Interview Patrick Marcel (traducteur GOT) by Poulpy

Un invité spécial de la Taverne

Patrick Marcel

traducteur, auteur et illustrateur émérite

 

Poulpy vous présente une interview spéciale de Patrick Marcel, que vous connaissez peut-être, camarades cultistes, car il est l’auteur des Nombreuses Vies De Cthulhu parut chez les Moutons Électriques, ainsi que le traducteur de Moi, Cthulhu, écrit par Neil Gaiman et parut chez nos amis de la Clef d’Argent. Ou alors, vous avez peut-être ouï dire d’une ou plusieurs interviews récentes de cette personne, lors du passage d’un certain auteur dans une certaine ville* ? En effet, Patrick Marcel est le traducteur de ce que nous appelons par chez nous Game of Thrones (chroniqué ici par votre dévoué céphalopode), et une petite présentation s’impose.

Patrick Marcel, né en 1956 à Bordeaux, est un traducteur ayant traduit des œuvres de George R. R. Martin, Mary Gentle, Alfred Bester, Neil Gaiman ou Alan Moore. Il est également dessinateur à ses heures et passionné des littératures de genre et des narrations graphiques. Il est l’auteur de plusieurs essais sur des sujets d’imaginaire populaire contemporain. – Cf : Wikipedia

(*le reportage de mini-mi, envoyé spécial à Dijon lors de la visite de G.R.R. Martin est également disponible sur la Taverne).

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Patrick Marcel possède, comme de nombreux confrères dans cette branche, une seconde vie. Ou peut être plus, comme l’indique son pseudonyme, Pat Marshall, avec lequel il signa quelques traductions.

Il a souvent eu l’occasion d’expliquer son métier — ou plutôt sa passion — de traducteur lors de divers entretiens. Car la retranscription de textes anglophone en français est pour lui un loisir, un challenge, et non une profession à part entière. Et pourtant, nous, lecteurs, lui devons énormément. Sa réputation dans ce domaine fait de lui un personnage très estimé des éditeurs.

D’ailleurs voici son blog : manticor.free.fr

Dans le civil, il est technicien à l’aéroport de Mérignac, vers Bordeaux. Voici la ville et la filière qu’il n’a pas quitté depuis la fin de ses études. Il se positionne donc entre deux mondes, chacun lui permettant de découvrir de nouveaux horizons, l’un littéraire et l’autre plus tangible, puisqu’il lui permet de voyager plus facilement et de faire d’autres rencontres. Cette vie n’est guère le lot du commun des mortels puisqu’il possède cette grande compétence qui est une parfaite compréhension de la langue anglaise.

Alors, pourquoi choisir d’occuper deux métiers à la fois ? Serait-ce par passion, ou est-ce difficile de gagner sa vie en traduisant seulement vos textes favoris ?

Un peu des deux : au départ, certainement, je ne me voyais pas gagner ma vie en traduisant des textes, parce que j’avais du mal à me trouver des traductions. Ce n’était d’ailleurs pas une ambition. J’avais plutôt envie de faire de la bande dessinée. Mais j’ai eu l’occasion de traduire d’abord des nouvelles, ensuite des textes plus longs et des romans, et j’aimais vraiment ça. Peu à peu, j’en ai fait une sorte de hobby qui allait en enflant.

Au bout du compte, je pense que j’ai voulu préserver mon plaisir. En en faisant mon seul métier, j’aurais sans doute dû traduire des textes qui ne m’enthousiasmaient pas. J’aurais également dû faire de gros efforts pour aller démarcher des éditeurs, ce qui n’est pas toujours une tâche agréable. Dans ma configuration actuelle, j’ai une paie régulière assurée et un emploi du temps qui me ménage du temps pour traduire à mon rythme des œuvres qu’on me propose et que j’accepte parce qu’elles me plaisent. De cette façon, si les éditeurs ne me demandent rien pendant un moment (en 2010, je n’ai rien eu à traduire, par exemple), je n’ai pas de souci à avoir.

Évidemment, le revers de la médaille, c’est que parfois, suite à des enchaînements de circonstances plus ou moins malheureux, je me retrouve avec une avalanche de travail, que je dois gérer de mon mieux. L’année 2014 a été jusqu’ici assez chargée, par exemple. Je vois arriver octobre avec un peu de soulagement !

Depuis quelques années, nous remarquons que rares sont ceux qui osent sortir de nouvelles séries d’auteurs peu connus. Nous nous retrouvons peu à peu face à un catalogue assez répétitif et peu diversifié. Cela doit également vous toucher…

C’est un peu le problème de la crise actuelle. Les prises de risque ne paient pas, souvent, ce qui encourage les éditeurs à poursuivre sur les voies qui sont payantes. En plus, le concept de série aide à fidéliser les lecteurs et permet d’exploiter longtemps certains ouvrages. Si les éditeurs ne font pas d’efforts, c’est aussi avec la complicité des lecteurs. Quand une série ne se vend pas, elle n’est pas poursuivie.

J’ai traduit des livres qui ont, pour l’essentiel, disparu au bout de trois mois, parce qu’ils n’ont pas rencontré leur public. Ils peuvent avoir une deuxième chance en poche ; ce n’est pas assuré. Des livres comme « La Magnificence des oiseaux » de Barry Hughart (trois volumes de fantasy chinoise frénétique), « À La pointe de l’épée » d’Ellen Kushner (des manigances et des questions d’honneur dans une sorte d’époque Régence parallèle), « Le Baiser du rasoir », de Daniel Polansky (du polar urbain à la Chandler dans un cadre de fantasy), « La Voix du feu », d’Alan Moore (le premier roman hallucinatoire et historique d’un très grand nom de la bédé anglo-saxonne)… Tous ces romans et d’autres, que je vois arriver sur les étals et partir sans avoir trouvé de public.

Donc, parfois, oui, il n’y a pas de prise de risque, mais parfois aussi, la prise de risque n’est pas récompensée. Nous sommes dans une période difficile pour le livre en général, l’édition en particulier, et les auteurs plus que tout. J’espère que ça va s’améliorer, mais l’avenir immédiat n’est pas encourageant.

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Patrick Marcel a eu l’occasion de retranscrire de nombreux textes, romans, nouvelles et bandes dessinées ayant pour cadre un univers fantastique, que ce soit de la fantasy ou de la science-fiction. Il dit être lecteur avant d’être traducteur, il est avant tout passionné, et donc la personne parfaite à qui confier nos univers fétiches pour ainsi les voir arriver en ce pays.

Cette passion, nous la retrouvons également dans ses essaies parlants d’univers et de personnalités telles que les Monty Python, les superhéros, le Grand Cthulhu ou Code Quantum, mais j’y reviendrais. Il a travaillé avec de grandes maisons d’édition, telles que Denoël ou Gallimard, avec de plus petites, dont la Clef d’Argent et les Moutons Électriques* pour des traductions et des révisons d’auteurs allant de Gaiman, Pratchett, Hughart à Gentle et Kushner, en passant par Wolfe ou Martin. Mais qu’est-ce exactement que le métier de traducteur, et comment le pratique-t-il ?

Le premier chalenge est de bien choisir son texte, car il serait malavisé d’impliquer ce spécialiste dans un domaine éloigné du sien, ou qu’il n’apprécie pas. Comment s’y prend-il ? En effet, que doit-on faire pour entrer dans ce domaine ? Qui doit-on contacter ?

Pour ça, c’est assez facile. Je suis en contact avec divers éditeurs que j’ai connus au fil des ans, et de temps en temps ils me proposent des ouvrages à traduire. Selon mes disponibilités et mes possibilités, j’accepte ou pas. C’est l’avantage d’avoir un travail régulier par côté: je peux me cantonner à des ouvrages qui me plaisent ou m’intéressent.

Sinon, j’ai de temps en temps l’occasion de lire tel ou tel ouvrage qui me semble intéressant et qui n’est pas encore traduit. Je peux le suggérer à tel ou tel éditeur qui, me semble-t-il, pourrait avoir envie de le publier. Là, c’est lui qui décidera si ça l’intéresse ou pas. J’ai eu la chance, quand je travaillais régulièrement chez Lunes d’Encre, de traduire pas mal de mes livres favoris, que j’avais suggérés et qui ont été retenus pour publication.

Pour entrer dans la traduction, j’avoue que je suis assez mal placé pour donner des conseils. J’habite à Bordeaux, je traduis à mi-temps et pour l’heure (je touche du bois) les propositions qu’on me fait suffisent à me tenir occupé. Donc, j’ai peu l’occasion de visiter les maisons d’édition, ce qui me laisse assez ignorant de ce qui s’y passe, en général.

Le mieux est sans doute la méthode traditionnelle: envoyer des échantillons de traduction, nouvelle ou chapitre de roman, à un éditeur, avec éventuellement — mais ce n’est pas essentiel — un curriculum vitae. L’éditeur décidera en fonction de la qualité du travail et de ses besoins. Bien sûr, il faut adapter ses échantillons aux éditeurs choisis, mais le plus important est sans doute la traduction elle-même, plus que le sujet, qui serait une considération primordiale pour des écrivains. Il vaut mieux aussi commencer par de petits éditeurs, qui sont souvent plus ouverts aux participations extérieures à leurs habitudes. Et si vous connaissez quelqu’un qui peut vous recommander, ça ne fait jamais de mal non plus.

Il est beaucoup plus difficile qu’avant de trouver des contrats quand on est un jeune traducteur qui n’a pas encore de réputation. Ce métier est peu reconnu, y a-t-il de quoi être défaitiste ?

Défaitiste, peut-être pas, mais il ne faut pas se cacher que nous sommes dans une mauvaise passe. Les traductions ont diminué, particulièrement en anglais. En revanche, pour des traducteurs de langues plus rares que l’anglais, l’allemand ou l’espagnol, il y a sans doute plus de possibilités. Étant limité à l’anglais pour ma part, je connais mal ces autres marchés.

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Vous n’avez pas forcément besoin d’entreprendre des études dans une filière particulière pour être traducteur, l’important est de prouver que l’on est capable d’être bilingue à 100%. Il faut aussi maîtriser les codes linguistiques d’un récit et connaître les procédés de traduction, que je vais à présent tenter de vous expliquer à ma manière (c’est à dire celle d’un néophyte) :

Il existe deux façons de traduire un texte, et souvent il faut choisir entre la fidélité ou le sens selon le contexte. Lorsque l’on souhaite coller le plus à la pensée de l’auteur et ainsi traduire quasiment mot à mot une phrase, il s’agit de traduction sourcière. Mais, si l’on opte pour se dégager de l’expression pour la rendre plus compréhensible dans la langue cible, il s’agit d’une traduction cibliste.

Lorsqu’on a affaire à deux cultures différentes, il est parfois difficile d’adapter sa traduction. Il y a, par exemple, des formes d’argot et des jeux de mots qui ne nous parleraient pas, des formes linguistiques un peu trop techniques pour un néophyte français qui, contrairement à un américain, n’a jamais vu un match de football – à ne pas confondre avec soccer – ou n’a jamais étudié l’histoire du pays source.

Il faut donc effectuer un minimum de recherches pour ne pas se perdre dans le folklore à transcrire, avoir de la logique et un bon esprit d’analyse. Savoir formuler ses phrases est aussi très important. Vous voyez donc que les compétences à entretenir pour être un bon traducteur sont légion. Et puis, deux textes faisant le même nombre de pages ne prendront pas autant de temps ! Il est plus difficile de traduire un classique anglais bourré de sonorités très spécifiques qu’un texte franc et tranchant à l’américaine.

Une bonne traduction se fait en trois temps : premièrement, il y a la phase de compréhension, puis vient la déverbalisation. À partir de la compréhension des mots vient l’analyse du sens de la phrase, ce qui donne lieu à la réexpression ou reformulation, tout en gardant le plus possible ces mêmes expressions (sans oublier les relectures et les corrections de l’éditeur).

Un traducteur littéraire a forcément un style qui lui est propre et qu’il doit adapter à celui de l’auteur, c’est pourquoi il est utile de connaître les écrits de celui-ci, ou d’avoir au moins une certaine expérience du style. La traduction d’un roman est plus ardue à faire que celle d’une recette de cuisine, car il faut garder l’esprit de l’écrit. Une mauvaise traduction peut faire passer le plus terrorisant des livres pour l’ouvrage le plus insipide de tout les temps. Il faut donc être précis, car, autre exemple, un titre comme Le Chien des Baskervilles à beaucoup moins de panache que Le Molosse des Baskervilles, qui annonce tout de suite la couleur !

Il y a tout un tas de traductions logiques d’une même phrase, le tout est de bien choisir, et surtout de rester dans son registre. C’est pourquoi lors d’une reprise d’un texte par un traducteur plus récent, il y a tout à y revoir. L’accès à l’information est plus facile à notre époque, donc certaines améliorations et corrections sont parfois méritées. Et puis il faut dire que certains éditeurs préféraient des textes plus simples, plus concis, car ils avaient des exigeantes de formats. Voilà pourquoi la plupart des puristes se tournent vers des intégraux revisités plutôt que d’acheter de l’ancien.

Ou, pour revenir à Patrick Marcel, voilà pourquoi le changement de traducteur chez Bragelonne en plein milieu de la sortie du Trône de Fer a fait tressaillir les fans ! D’après ce que je sais de cette personne, P. Marcel aime énormément la « phase recherche » de son travail. En effet, plonger dans une époque particulière afin de développer son vocabulaire, tout cela dans le but de décrire une scène, ce doit être passionnant. Même si dans tout domaine il y a des phases répétitives, il y en a qui vous font évoluer.

Et puis, même si les têtes à têtes avec les auteurs ne se font pas forcément, il est toujours intéressant de travailler avec des éditeurs. D’ailleurs, beaucoup de traducteurs, dont P. Marcel, n’hésitent pas à contacter les écrivains en fin de traductions afin de mieux comprendre un terme en particulier, et chipoter sur quelques phrases, quand les délais le permettent. C’est toujours fabuleux de pouvoir discuter d’un œuvre avec son créateur !

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Le site My Global Bordeaux a extrêmement bien énoncé les débuts de Partick Marcel dans le monde de la traduction. Ce petit extrait en est donc tiré :

Patrick situe les origines de son anglophilie vers ses 3-4 ans. c’est en entendant la chanteuse Petula Clark à la TV qu’il tombe sous le charme de l’accent anglais.

D’un bon niveau en anglais au lycée, il part l’entretenir à Bristol pendant trois ans à l’occasion d’échanges linguistiques avec l’association Bordeaux-Bristol.

Là-bas, il découvre les comics américains et lit également un roman peu connu de Robert Howard, le créateur de Conan, Almuric, paru en 1939, qui évoque le John Carter de Mars d’Edgar Rice Burroughs. Il fait la rencontre au lycée Montaigne de Jean-Daniel Brèque avec qui il échange des comics.

Les deux adolescents deviennent amis et se retrouvent à collaborer dans un fanzine avec leur aîné Francis Valery bordelais lui aussi. L’aventure Obzone va durer 8 numéros. C’est là que Patrick fait ses premières armes en traduisant une nouvelle de Fritz Leiber, l’auteur du fameux Cycle des Épées, et une nouvelle d’Harlan Ellison, auteur du non moins fameux Dangereuses visions, Comment sont les nuits sur Cissendra ?

C’est durant cette période qu’il fait la connaissance du romancier Richard Nolane, Clive Barker et Neil Gaiman lors d’une convention de Science Fiction en Angleterre.

Il écrit un texte humoristique sur Neil Gaiman connu pour ne jamais retirer ses lunettes noires : J’ai vu les yeux de Neil Gaiman. Il fréquente les milieux de l’horreur qui n’a pas bonne réputation en France à l’époque.

Il rencontre Stephen King qui lui dédicace Deadzone et croise Ramsey Campbell, auteur d’Images Anciennes, violente satire de l’Angleterre de Thatcher. Et le prometteur Graham Joyce, auteur de Sorcière, ma sœur.

Richard Nolane lance la collection Cauchemars chez Garancière et Patrick Marcel fait ses premières traductions professionnelles avec deux romans de Thomas Tessier. Puis il s’attaque au Docteur Who popularisé en France par les frères Bogdanoff et leur émission Temps X.

Démarché en 1987 par Albin Michel qui lance sa collection Épées et Dragons, Patrick poursuit son aventure en traduisant le cycle de Raven de robert Holstock et d’Angus Wells. Il traduit ensuite pour Jacques Goimard une uchronie shakespearienne de Poul Anderson Tempête d’une nuit d’été pour pocket SF.

La suite de l’article rédigé par Ludovic Lamarque est disponible à cette adresse : myglobalbordeaux.com.

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Patrick Marcel a donc traduit plusieurs romans – plus de 60 en 25 ans ! – dont voici la longue liste sur le site de Noosfere, mais aussi des comics américains, nous dit-il. Tels que Cosmic Odyssey de Starlin et Mignola chez Bethy, Mister Miracle de Jack Kirby chez Vertige Graphic, Les Mystères du Meurtre de Neil Gaiman et P. Craig Russell chez Semic, Sandman, également de Neil Gaiman et Kent Williams, Coraline, Tales of Stand de Jim Hensons, Le Bus de Paul Kirchner et des BD de Dan Christensen. D’ailleurs, il en a lui-même scénarisé et illustré : il s’agit de Baragrine, sortie dans plusieurs fanzines, dont Comics Unlimited, A&A infos et Yellow Sub-marine.

Pouvez-vous nous parler plus en détail de votre bande dessinée ? Je sais que c’est un format qui vous plait beaucoup et que vous aimeriez en publier, en tant qu’auteur.

J’ai toujours eu plus de projets que de temps pour m’y consacrer. C’est le problème majeur de la bédé: difficile de s’y adonner en dilettante, ça réclame un investissement en temps. Ma bédé principale, Baragrine, découlait de mon amour de jeunesse (toujours présent) pour les Donald Duck de Carl Barks et les bédés d’aventures comiques de Greg (le père d’Achille Talon, scénariste également de multiples séries dramatiques, comme Luc Orient, Bernard Prince, Comanche et bien d’autres) — les Quatre As, particulièrement. Bref, il s’agit de bédé animalière comique, dont les protagonistes, assez disparates et pas cantonnés aux seuls animaux comiques — il y a un tuyau de poêle vivant et un fantôme nain, entre autres — vivent des aventures fantastiques et exotiques.

Au départ, c’était une série de gags en une page pour le fanzine anglais Comics Unlimited, d’Alan Austin. Mais, amateur de Barks lui aussi, Alan a eu envie de publier un comic book. J’ai donc dessiné un Baragrin (sans e) n°1, tiré à peu d’exemplaires (je dirais qu’une centaine a dû être le maximum) en photocopie — photocopie couleur, encore balbutiante, pour la couverture. Il y avait trois petites histoires, mais j’avais déjà échafaudé des plans pour les numéros suivants, des aventures au Tibet, sous l’eau, dans l’espace, dans le temps, dans une expérience scientifique qui a mal tourné, dans…

Les résultats des ventes ont assez vite calmé l’affaire, et il n’y a pas eu de n°2. Dommage, je l’avais déjà dessiné, il est resté dans mes cartons, avec sa couverture couleurs, et déjà celle du n° 3.

Plus tard, Francis Valéry m’a proposé de dessiner des gags pour son fanzine de SF, A&A Infos. Ce que j’ai fait. L’histoire s’est alors répétée: saisi par le démon de l’édition, Francis a voulu publier un album. Je me suis mis au travail sur Le Cinquième coin du monde, aventure tibétaine lointainement inspirée par Tintin au Tibet. Comme je mettais pas mal de détails dans mes planches, il a été décidé à mis-parcours de passer du demi-format envisage à un format album. J’ai dessiné les 40 et quelques planches de l’album en deux mois. C’est Jean-Daniel Brèque, de nos jours un traducteur réputé, qui a encré mes crayonnés. On a sorti l’album fièrement, couverture souple en couleurs… et l’histoire s’est répétée: si une fuite d’eau dans le toit de Francis Valéry n’avait pas causé la destruction d’une partie du stock, il en aurait probablement encore en réserve, trente ans plus tard. Visiblement, mes histoires ne rencontrent pas leur public…

J’aime toujours la bédé, et j’adorerais avoir du temps pour m’y adonner davantage, mais je n’y arrive pas. En fait, c’est presque un remède au manque de traductions: quand je n’ai rien à traduire, il suffit que je me dise: « Bon, ben, tant pis, je vais pouvoir me mettre à dessiner, en attendant », et je reçois aussitôt des propositions. Je n’aurais pas peur de paraître paranoïaque, je dirais que c’est vexant.

Plus sérieusement, j’ai des tas de scénarios en tête, mais, outre le profond désintérêt du lectorat pour mes histoires, le manque de temps m’empêche de travailler sur ma grande saga de fantasy animalière, mon space opera animalier, et les trois ou quatre histoires de Baragrine que j’ai encore en tête. Ma dernière tentative pour dessiner une histoire courte (les personnages rencontraient le roi Arthur — enfin, plus ou moins) a dû s’interrompre quand on m’a proposé le volume 5 du Trône de fer.


D’où vous vient cette affection pour les comics et la BD ?

De ma prime enfance: j’ai pratiquement appris à lire avec le Journal de Mickey, que je forçais mes parents à me lire et me relire jusqu’à ce que je le connaisse par cœur. J’avais pour voisins une famille nombreuse qui lisait chaque semaine Spirou et Tintin; à l’étage un copain lisait Pilote et, en haut de l’escalier, un autre suivait Fripounet et Marisette. Par conséquent, je quadrillais assez bien ce qui sortait en bédé, même si je loupais parfois des épisodes. Ça a été une passion dès le départ, je pense, et je ne saurais pas dire pourquoi. Je lisais toutes les bédés que je trouvais: les Pim Pam Poum, les Mandrake et Fantôme, les Pieds Nickelés et Bibi Fricotin, les Pepito… Et puis, dans le journal Sud-Ouest, les strips de Guy l’Éclair et de Modesty Blaise.

J’ai découvert les comics avec Agents Tonnerre, Fantask et Strange, puis, aussitôt après, je suis parti en stage linguistique un mois en Angleterre, ce qui m’a permis d’avoir accès à la VO. À en juger par le chaos qui règne de nos jours chez moi, l’affection en question n’a jamais guéri.

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Je vous sais fan des Monty Python, de Neil Gaiman, Peter Straub, Graham Joyce, Alfred Bester, J.R.R. Tolkien, T.H. White, E. R. Eddison, Fritz Leiber, Robert Howard, Karl Edward Wagner ou Susanna Clarke…

Quant on connait vos affinités pour des livres issues de la littérature classique anglo-saxonne, tels que The Wurm Ouroboros d’Eric Rücker Eddison, Lud-In-The-Mist, de Hope Mirrless et d’autres qui ne sont hélas pas tous édités (ou en rupture) en France, j’ai tendance à vous imaginer comme un homme tranquille, dont les goûts ne se confinent pas à de longues épopées comme A Song Of Ice And Fire.

Que recherchez-vous lorsque vous lisez un texte ? Qu’elles sont les choses qui vous plaisent le plus dans vos lectures ?

Ah, je n’ai rien contre une longue épopée, si elle me semble intéressante. J’avais bien l’intention de lire Le Trône de fer, mais j’attendais que la série soit terminée, pour m’épargner l’attente entre les tomes. C’est un peu raté, du coup.

Je lis un peu de tout. J’ai eu ma période fantasy (et SF), pendant les années 70, où j’ai fini par me lasser de trop de fantasies héroïques, celtiques ou arthuriennes, qui pullulaient alors en langue anglaise. J’en lis beaucoup moins, depuis. J’ai eu une période horreur et fantasy urbaine pendant les années 80, qui étaient la grande période de l’horreur moderne. Et là encore, les éditeurs freinaient des quatre fers pour ne pas en publier en France, certaines revues retentissant des positions délicieusement nuancées de directeurs de collections qui dénonçaient l’horreur comme une littérature de dégénérés pour malades mentaux, à moins que ce ne soit l’inverse. Pas tous — et heureusement, tous s’entendaient ensuite à dénoncer de concert la fantasy comme une littérature de crétins écrite par des abrutis. Ou l’inverse, peut-être.

Dans les années 90, j’ai continué dans le fantastique moderne, ainsi que dans le classique, avec de la SF de-ci de-là; pendant les années 2000, j’ai commencé à décrocher par rapport aux parutions. Surtout parce que j’ai commencé à traduire plus régulièrement, ce qui entamait considérablement mes loisirs.

Je n’ai plus trop de genre déterminé. J’ai une préférence pour des ouvrages qui ont leur dose d’extraordinaire, de fantastique, de surnaturel, de science-fiction… Ce qui ne m’empêche pas de lire aussi des polars, des biographies, des livres historiques. J’ai surtout des auteurs favoris, dont j’achète systématiquement les nouveaux ouvrages: Neil Gaiman, Ellen Kushner, Peter Straub, Graham Joyce (hélas trop tôt disparu il y a quelques semaines), Chris Fowler, Lisa Tuttle…

Vous avez réellement commencé à lire lorsque vous étiez en Angleterre et avouez avoir énormément d’appréhension à lire les traductions de textes originaux. Vous dites également qu’il vous est presque impossible de prendre un livre sans penser à comment il serait en français. C’est vrai que, une fois que l’on a approché la VO, la VF paraît ridicule ! Nous pouvons le constater lorsque l’on suit une série inédite en France, une fois le doublage réalisé, tout à l’air surfait.

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De nombreuses interviews ont été réalisées par rapport à sa reprise du Trône de Fer après Jean Sola, à qui l’on a reproché quelques infidélités de traduction, je ne m’accorderais que peu de questions à ce sujet et vous fournirais quelques liens, à la fin de cet article, afin d’assouvir les hypothétiques fans de la série de passage sur ce site. Ainsi, les questions sur le changement de style pour coller à l’esprit de G. R. R. Martin, celles sur le pourquoi et le comment des changements de noms propres, les différences entre la série HBO et les livres, ainsi que les goûts et les couleurs de notre cher traducteur sont des sujets déjà abordés.

Je vais donc poser cette naïve petite question à propos de nos chers amis de Westeros et des environs : comment se sentent-ils entre vos mains, tout ce passe bien ? ^__^

Je suis mal placé pour répondre! Je commence à avoir traduit assez de texte pour avoir à peu près trouvé mes marques, à présent (la traduction de l’encyclopédie de Westeros qui doit bientôt paraître m’aura bien aidé à tout caler en perspective par un marathon radical). J’ai aussi pris la mesure de George R.R. Martin, je crois avoir établi des réflexes fiables qui m’aident à appréhender les choses comme il faut. On doit reconnaître que quatre volumes aussi gros que ceux qu’il a écrits avant que j’arrive, ça représente une somme assez considérable à assimiler, d’autant que j’ai dû me former sur le tas.

Mais je pense que le plus dur est fait. J’attends assez sereinement Les Vents de l’hiver, à présent. En espérant que ce sera pour l’an prochain!

Vous connaissez bien Neil Gaiman, vous avez traduit nombre de ses livres, revu d’autres, comme Moi, Cthulhu sortie chez la Clef d’Argent (mon préféré !) ou Sandman, roman et BD, par exemple. Cette bande dessinée semble bien appréciée en France, et pourtant sa traduction n’a pas été sans encombre ! Vous l’expliquez lors de votre entretien sur ce site : littexpress.net.

Comment avez-vous rencontré Neil Gaiman ? Continuerez-vous à côtoyer cet auteur ?

Nous sommes de bonnes connaissances, disons. Mais pas des intimes. Dans les années 80, je l’ai longtemps côtoyé sans vraiment le connaître: c’était une silhouette familière, un participant régulier aux FantasyCon britanniques, où on le voyait souvent avec son grand complice Kim Newman. C’est quand il a commencé à écrire de la bande dessinée que j’ai profité de ces conventions annuelles pour discuter un peu avec lui, d’abord pour Black Orchid, mais surtout à partir de Sandman, dont j’étais très fan. Et puis, je lisais beaucoup de Terry Pratchett, donc j’ai lu et aimé De Bons présages, j’ai ensuite beaucoup aimé son premier recueil de nouvelles, Angels & Visitations, et j’ai donc sauté sur son premier roman, Neverwhere, quand il est sorti (avec la série télé qu’il accompagnait).

Comme j’ai eu la chance de me voir assigner la traduction de ses premières œuvres, j’ai eu l’occasion de le contacter sur tel ou tel point qui pouvait poser problème. Pour le reste, comme c’est l’époque où il est parti s’installer aux États-Unis, on s’est plutôt croisés de-ci de-là, en plus des conventions britanniques, dans des lieux improbables — notamment en Finlande à la convention de bédé de Kemi, près du Cercle polaire, où, invité d’honneur, il a eu la surprise de me retrouver dans le sauna du maire, en prélude au banquet de fin de convention. Ces temps-ci, on se voit à peu près une fois par an, un peu par hasard: aux Utopiales il y a deux ans; l’an dernier, à la Convention Mondiale d’Horreur à Brighton où il a remplacé à la dernière minute China Miéville comme maître de cérémonie. Ce ne sont pas des occasions qui permettent de beaucoup discuter: on se dit bonjour, on échange quelques phrases, et c’est tout. Cette année, il vient pour la sortie française de L’Océan au bout du chemin, et je vais lui servir d’interprète. En principe, je devrais davantage le voir que d’habitude.

Histoire de faire l’intéressant, j’en profite pour signaler qu’il était fan de ma bédé Baragrine, qu’il lisait dans Comics Unlimited. Question audience, faute de quantité, j’avais au moins la qualité pour moi!

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Vous essayez de toujours d’entretenir de bonnes relations avec vos éditeurs, certains directeurs de collection font d’ailleurs partie de vos amis. Comment définiriez-vous vos relations de travail avec ses personnes ?

Quand vous avez traduit des livres chez Denoël recommandé par vous-même, cela a dû être très plaisant. Beaucoup de lecteurs doivent vous en être reconnaissants, car passer à côté de Maitre Li et Bœuf Numéro Dix aurait été vraiment dommage !

De bonnes relations? Autant que possible, oui! Quant aux directeurs de collection qui sont aussi des amis, ils étaient très souvent des amis avant d’être des directeurs de collection, ce qui oriente les relations que nous entretenons encore. Au niveau professionnel, ça ne change pas énormément de choses sur l’essentiel du travail sinon que, connaissant un peu mes goûts, ils me proposent en général plutôt des textes qu’ils savent susceptibles de m’intéresser.

« On essaie toujours de faire au mieux lors d’une traduction, mais si on me laissait une traduction pendant six ans, j’aurais toujours quelque chose à redire… » – P. Marcel.

Une étape très importante, celle du peaufinage, vous prend le plus de temps, car il faut constamment remettre en question son travail. La perfection recherchée à l’air difficile à atteindre. Mais avec vous, la qualité est toujours au rendez-vous !

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Patrick Marcel n’a jamais tenté d’écrire des histoires à l’image de ses auteurs favoris. Il a pourtant toujours un pied dans les univers fictifs qu’il apprécie et a sortie plusieurs livres parlant de ces domaines fétiches*. Pouvez-vous nous présenter ces livres ?

Vous avez contribué à agrandir la Bibliothèque des Miroirs et la Collection Rouge des Moutons Électriques avec deux essais, Monty Python ! Petit Précis d’Iconoclasme et Les Nombreuses Vies de Cthulhu, qui sont à recommander !

Les Moutons électriques avaient des collections thématiques. L’une d’elles portait sur des biographies « réelles » de personnages fictifs: il s’agissait de replacer leur parcours dans l’histoire réelle du temps, de dater tel ou tel événement de leur vie, bref de les ancrer dans notre histoire. J’avais déjà participé à des compléments, essentiellement une biographie de Furax, le grand aventurier, mi-escroc, mi-héros, créé par Pierre Dac et Francis Blanche pour leur superbe feuilleton radiophonique, Signé Furax. André-François Ruaud m’a proposé de faire un titre sur la biographie de Cthulhu, le monstrueux dieu démon extraterrestre de H.P. Lovecraft. Bien entendu, il a fallu adapter le propos, puisque la biographie de Cthulhu est assez mal connue, et que nous manquons de documents fiables. J’ai traité le problème par une étude historique des phénomènes liés à Cthulhu et à des êtres de même nature durant les années 1920-1930. L’étude des documents historiques m’a conduit à dresser une petite histoire de la Terre, du début des temps jusqu’à 1970, environ, en me basant sur les témoignages des auteurs « fiables »: Lovecraft et un cercle d’amis, essentiellement (Robert Howard, Clark Ashton Smith, Fritz Leiber…). C’était un exercice très amusant: la fabrication d’un puzzle dont j’inventais les pièces au fur et à mesure.

Le plus fascinant, c’était de trouver dans différents livres des éléments concordants qui venaient appuyer nombre d’événements décrits par Lovecraft (la date de 1925, celle de l’émergence de Cthulhu, comporte pas mal d’événements créatifs troublants, à ce titre, de l’œuvre de certains peintres à la nouvelle de Jean Ray, « Le Uhu », comme un écho à celle de Lovecraft) . Le plus capital a sans doute été Un Mois sous les mers, de Tancrède Vallerey, un roman de 1933 qui tombait à pic, c’est le cas de le dire, pour expliquer certains événements de cette histoire du monde reconstituée. L’ouvrage a d’ailleurs été réédité un ou deux ans plus tard aux Moutons électriques, dans le cadre d’un passionnant catalogue de SF française oubliée — de « romance scientifique ».

Et dans sa collection d’essais sur des thèmes plus généraux, André-François Ruaud m’a demandé un Monty Python. Je suis fan inconditionnel depuis au moins la sortie en France de Pataquesse, leur premier film, et j’ai accumulé sur le groupe pas mal de documentation au fil des ans — de la documentation en anglais, exclusivement, car il n’y a pas eu grand-chose sur eux de ce côté-ci de la Manche. Je trouvais que manquait une étude qui replacerait les Python dans le contexte plus vaste de l’humour britannique, principalement dans le grand chambardement qu’a apporté la propagation de la radio, et qui a suscité à la fin de la guerre l’apparition du mythique groupe des Goons, champions de l’humour radiophonique, qui ont été une des influences cruciales des Python, et à travers la grande époque de la télévision britannique. Ça n’a pas été facile de résumer la foultitude de choses qu’on aurait pu dire dans le cadre imparti, mais je ne suis pas mécontent du résultat.

Les Python ont fait leurs adieux officiels il y a quelques mois, dans un spectacle assez réussi, et avec beaucoup de retentissement. Mais ce n’était pour moi qu’une dernière formalité: les Python sont hélas morts avec Graham Chapman, en 1989, car les Python, c’était un groupe unique, dont les tensions internes faisaient la vitalité et l’originalité créatrice. Sans lui, l’équilibre était rompu. C’était autre chose, proche souvent, mais pas du vrai Monty Python.

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Avez-vous, pour finir, une petite citation ?

Une citation? Bah, je vais donner cette phrase de Hope Mirrlees qui me sert souvent de signature sur mes mails: « Reason is only a drug, and its effects cannot be permanent. » « La raison n’est qu’un médicament, et ses effets ne sauraient être permanents. »

Place aux liens !

Quelques interviews et articles de collègues :

A Song of Ice and Fire :

sudouest.fr (vidéo)

20minutes.fr

lagardedenuit.com

Tu reprends le flambeau d’un autre traducteur, M. Sola. C’est une situation qui ne m’a pas l’air très courante. L’avais tu déjà fait avant ? Quelles sont les principales difficultés liées à cet exercice ? Ça m’est déjà arrivé (…) À chaque fois les modalités étaient un peu différentes : j’ai pu reprendre les ouvrages précédents pour harmoniser les traductions, éventuellement changer un ou deux éléments pour la cohérence de l’ensemble. Ici, je m’insère dans une série en cours dont les volumes sont parfaitement disponibles (…). Donc, je dois me placer dans la continuité de ce qui est déjà fait.

elbakin.net

Est-ce que vous abordez la traduction d’un grand cycle populaire comme celui de George R.R. Martin de la même façon que des œuvres plus confidentielles, comme La Forêt des Mythagos ou Kane ? Pour l’essentiel, oui. Il y a un texte à traduire, avec ses difficultés et son style propres. La différence majeure étant que je reprends un cycle en cours, donc sur lequel certains choix de traduction ont déjà été faits. Mais c’était déjà le cas pour La Forêt des Mythagos, dont j’ai juste traduit deux nouvelles et le dernier volume, en harmonisant la traduction pour la rendre cohérente sur tout le cycle après une période d’épuisement des titres.

 

Questions diverses :

myglobalbordeaux.com

littexpress.net ; …

cafardcosmique.com

Patrick Marcel : « L’univers dépeint par Lovecraft résonne en nous parce que nous le reconnaissons. » – À propos des Nombreuses Vies de Cthulhu*.

Pour vous procurer les essais de Patrick Marcel

Chez les Moutons Électriques :

*Les Nombreuses Vies de Cthulhu

Monty Python ! Petit précis d’iconoclasme

Chez Gallimard :

Atlas des brumes et des ombres

D’autres étaient disponibles chez feu les éditions DLM :

Code Quantum, itinéraire d’un ange gardien

Dream On, le dernier désordre amoureux

et Superhéros en série

Et la Traduction de Moi, Cthulhu chez nos partenaires de la Clef d’Argent

Un grand merci à vous

pour tout ce que vous faites pour nous, lecteurs francophones,

de la part des nains de la Taverne !

Avec les compliments de votre ami Poulpy 😉